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Les contextes de la boite à merveille

vendredi 12 septembre 20140 commentaires

Les contextes de la boite à merveille


boite a merveille                                                    
Le contexte historique
Avant de s’intéresser à l’ironie et la caricature dans la Boite à Merveilles il convient de se replacer dans le contexte politique du Maroc des années soixante et soixante-dix.
Dans un paysage culturel dominé par les intellectuels de gauche, en particulier par le groupe de la revue Souffles, qui, à partir de 1966, s’est constitué autour du poète A. Laâbi, l’art est investi d’une mission : le parachèvement de l’entreprise décolonisatrice par la revivification de la culture nationale. Dans cette perspective, la littérature est un outil de combat : le message idéologique, c’est-à-dire la réhabilitation de la culture populaire, doit l’emporter sur les préoccupations esthétiques. Un récit doit afficher, d’une manière transparente et ostentatoire, les choix idéologiques de son auteur. En somme, l’art est une affaire d’engagement
La critique dans La Boite à Merveilles
Boîte à merveilles est une fiction sous-tendue par un point de vue critique sur la société. Le traitement de cette question est d’autant plus difficile que le narrateur se contente, apparemment objectivement, de décrire le monde qui l’entoure et que l’auteur a sciemment choisi de déréaliser son récit.
La Boîte à merveilles est comme ces rivières dont le calme apparent est trompeur parce qu’il cache des lames de fond d’une grande force. En effet, ce récit ne comporte aucun jugement de valeur explicitement négatif de la société marocaine. Ce qui ne veut pas dire que toute critique de cette société en soit absente.
Ironie et caricature
Dans le milieu féminin qui entoure l’enfant, c’est la mère qui pâtit le plus de l’exercice de l’ironie du narrateur. Moyennant la technique de la caricature, notamment par l’opposition systématique avec la figure du père, l’exemple même de la pondération et de la modération, le narrateur souligne la propension exagérée de la mère au cabotinage, à la mise en scène. C’est une femme qui aime à se donner en spectacle tout en restant attentive à l’effet qu’elle désire produire sur ses interlocuteurs. On se souvient qu’en faisant à son mari le récit de son altercation avec Rahma, Zoubida passe sans transition aucune de l’état d’humiliée inoffensive à celui de « furie » (p.18) que rien ne peut arrêter :
« Cette dégoûtante créature a souillé mon linge avec ses guenilles qui sentent l’étable. Elle ne se lave jamais d’ordinaire, elle garde ses vêtements trois mois […] Tu connais ma patience […] je tiens cela de ma famille.) »  p. 17-18.
Voilà un bel exemple d’autodérision. Au moment où la mère s’enorgueillit d’être polie, elle fait exactement le contraire. Par ailleurs, la politesse n’est pas un comportement individuel mais une qualité que l’on hérite des ancêtres. Sefrioui dénonce subrepticement une morale tribale qui amène l’individu à ne se percevoir que comme le digne héritier des valeurs fixées par les ancêtres, quitte même à s’inventer une lignée imaginaire, et à agir en conséquence : « Ma mère ne manquait jamais d’évoquer ces origines lors des querelles avec les voisines. Elle osa même soutenir devant Rahma que nous étions d’authentiques descendants du prophète. » . p. 16.
En fait, à travers la figure de la mère, ce sont les structures mentales de toute une société qui sont visées. Le personnel romanesque, en particulier les femmes, est submergé par les obligations de la vie quotidienne, tant et si bien qu’il s’invente de fausses valeurs qui sont en réalité l’expression d’un malaise profond.
La preuve la plus évidente à cet effet est que la chouafa, le fquih et les saints ont un succès indéniable dans la Boîte à merveilles. Tout le monde recourt à leurs services dans l’espoir de trouver un remède à ses déboires : Zoubida au cours de la maladie de son fils et après le départ de son mari, Lalla Aïcha après le remariage de Sidi Larbi, son époux, pour ne citer que ces exemples.
En outre, la jalousie, les commérages et les qu’en-dira-t-on dessinent en creux l’image d’une société mal dans sa peau, qui manque terriblement de cohésion en dépit d’une politesse de pure façade :
« D’une voix ensommeillée, ma mère déroula son chapelet de salutations d’usage qu’elle adressait chaque matin à sa voisine d’en face. Celle-ci lui souhaita une heureuse journée avec les formules habituelles. Aucune n’écoutait les propos de l’autre. Chacune récitait son boniment sur un air monotone, sans ardeur et sans enthousiasme. » ., p. 27.
Il est donc bien évident que l’œuvre de Sefrioui ne se contente pas, comme on serait tenté de le croire à première vue, de décrire les rites et les coutumes d’une société ;elle essaie, au contraire, d’en saisir la signification profonde.
Dans la Boîte à merveilles, en effet, la collectivité est presque toujours un non sens. C’est ainsi que dans le bain maure, l’enfant se demande « ce que pouvaient bien faire toutes ces femmes qui tournoyaient partout, couraient dans tous les sens.» (p.12). Et voilà le commentaire du narrateur que suscite la scène de la dispute entre Zoubida et Rahma : « C’était une tempête, un tremblement de terre, le déchaînement des forces obscures, l’écroulement du monde. » (p.18).
Même pendant les événements malheureux, la solidarité du groupe est pure extériorité. Après la disparition de Zineb, Zoubida se joint au cortège des pleureuses pour « « soulager son coeur » » (p.36), Et si elle se montre affectée par la mort de Sidi Mohammed ben Tahar, le coiffeur,
c’est uniquement parce qu’elle estime que « cela lui fera du bien d’aller pleurer un peu » (p.65).
On comprend dès lors pourquoi l’enfant n’éprouve aucune espèce d’affection pour le milieu dans lequel il évolue et pourquoi il sombre dans une solitude de plus en plus lancinante.
C’est que sa perception du monde est foncièrement différente de celle de son entourage. Et il le
Vérifie en permanence. Au moment où la mère voit dans le cabochon de l’enfant un objet ridicule, sans intérêt, celui-ci le dote de vertus magiques. Même le père, d’habitude adulé par le fils, n’échappe pas à la critique. L’enfant ne comprend pas la réaction de ses parents qui « éclatèrent de rire » en entendant la comparaison établie entre les bijoux et les fleurs par le poète en herbe : « Je trouvai leur réaction déplacée. Un doute se glissa en moi sur la qualité de leur intelligence. » ., p. 118.
Pour mesurer la complexité de la vision de Sefrioui, il faut quand même remarquer que sa critique n’est jamais radicale. Le regard qu’il porte sur la société est lucide et sans concession.

Majda MAALAL
Source : http://www.fpamaroc.org/contributions/fr/mehdi.pdf
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